Mother India

Publié le par Marco del Rugo


C'est une Inde célébrant Ganesha Chaturthi qui nous a accueillis à notre arrivée à Mumbai (Bombay), processions rythmées et colorées en guise de bienvenue. Cette fête du dieu éléphant se clôt par l'immersion de son effigie d'argile dans la mer, non sans effectuer un rite préalable dans le sable, avec prières et feu. Je n'en ai point fait de même avec mon accompagnatrice de voyage, Emmanuelle. L'émerveillement quotidien qui est le sien m'emplit d'une indicible joie. Ainsi, aucune peine pour elle d'entrer en contact avec les autochtones et de se faire aux conditions parfois difficiles du pays.


Tel un guru et son disciple, notre chaste et pure relation nous amène à arpenter les chemins spirituels de l'Inde. À défaut de trouver l'ineffable, le site de Hampi, inscrit au Patrimoine mondial de l'humanité, aura étanché notre soif archéologique : des milliers de sculptures taillées au XIVe siècle à même la pierre sur 30 km² et des temples qui prouvent la magnificience passée. Mais ce qui fait le charme du site, outre son sympathique village entourant un ancien temple encore en activité, c'est la magie du paysage due à l'accumulation d'innombrables blocs erratiques caressés par la rivière. Une fête locale très animée aura ponctué notre départ du Karnataka.

Parenthèse philosophique d'importance : l'aspiration de l'Hindou est spirituelle, liée au karma, le cycle infini des naissances. Tandis que l'Occidental cherchera, lui, à accumuler des richesses. La confrontation ne peut être qu'explosive ! Ainsi, de la bouse. Alors que celle-ci sera sacrée pour l'Hindou, produite qu'elle est par les vaches, elle ne revêtira que l'habit du désagréable pour les touristes occidentaux que nous sommes. Quoiqu'il en soit, la misère matérielle ambiante s'évanouit rapidement car les pauvres sont partout ! Occasion de relever l'exploit des femmes indiennes qui arc-en-ciélise le quotidien par l'explosion des couleurs de leurs saris.

C'est l'architecture religieuse qui aura guidé nos pas au Tamil Nadu. Celle de deux grands royaumes dravidiens, les Pallava et les Chola. D'abord à Mahabalipuram, un ensemble impressionnant de monuments en bordure de plage (le tsunami de 2004 en a exhumé de nouveaux), et ensuite à Thanjavur, ville ignorée des touristes occidentaux qui recèlent un des plus remarquables temples d'Inde du Sud, encore en activité. Quant à Chennai (la mythique Madras), M. Kumar, un chauffeur de rickshaw chrétien, aura su nous la faire apprécier. Sans oublier Pondichéry, à l'exquis parfum colonial français, heureuse halte très reposante. L'occasion d'avouer que nous n'avons pas rencontré des Français mais des caricatures de Français (passons les détails) !

Mais l'appel apostolique du Kerala aura été le plus fort. Adieu Rameswaram, ville sainte hindoue (la Bénarès du Sud). Oubliée Madurai et la splendeur de son temple, cité dans la cité. Celui de Thanjavur nous aura comblés, avec sa puja matinale, cérémonie religieuse : ce n'est pas une eau lustrale qui aura été répandue sur le lingam, symbole phallique haut de quatre mètres, mais du lait...

Nos déplacements se sont avérés nombreux et variés, parfois dans des conditions difficiles (qui a déjà goûté aux trains indiens me comprendra). Sans parler des impondérables (bus bloqués par de gigantesques meetings politiques ou encore par des processions religieuses en l'honneur de Narayana Guru). Mais le Kerala, immense jardin médicinal, s'est finalement offert à nous, notamment à travers une nuit passée dans un kettuvallam aménagé. Il s'agit d'anciennes barges à riz qui sillonnent un inextricable réseau de venelles aquatiques permettant de voir le quotidien des habitants. De l'ayurveda, nous n'aurons profité que des massages, à l'huile.

La messe chantée en malayalam à Trichur (pieds nus dans l'église s'il-vous-plaît) et surtout la cérémonie religieuse vécue dans l'église chrétienne Sainte Marie, près de Kotayam, n'auront pas été les moments les moins magiques que la grâce de l'inattendu nous ait donné à vivre. Le rite syriaque associé à l'esprit indien rendent cette dernière cérémonie fort spectaculaire. Inutile de préciser que ces églises font salle plus que comble...

La Fête de la Moisson (Onam) nous aura permis d'assister à d'impressionnantes compétitions de bateaux-serpents à Aranmula. L'ambiance était assurée sachant que celles-ci réunissent des dizaines de milliers de spectateurs massées aux abords de la rivière afin de soutenir les équipages de ces embarcations pouvant contenir jusqu'à 141 personnes. L'Onam se clôt par une fort sympathique procession à laquelle nous avons assisté hier soir (un sociologue pourrait tirer de l'étude des chars une intéressante analyse de l'état de l'Inde). L'incongruité de notre présence comme spectateurs du défilé nous aura valu les honneurs du quotidien local qui a publié notre photo ce jour !!!

En Inde et au Kerala en particulier,  le saint des saints des temples n'est pas accessible aux non-Hindous. C'est dire le privilège qui a été le nôtre d'assister ce matin ici à Thiruvananthapuram à une puja réunissant les dévots, hommes à gauche, femmes à droite (on retrouve cette séparation dans les églises chrétiennes). Rites ancestraux mariant le feu et l'eau. Précisons que nous y sommes allés à 5h du matin. A suivi une séance matinale d'entraînement de kalarippayat, redoutable sport de combat acrobatique, dans une école réputée. Là aussi, des rites qui confinent au religieux (et au respect du maître, la notion de transmission du maître au disciple étant inhérente à l'Inde). Manu a dû apprécier la séance initiale de "graissage" des corps masculins, habillés d'une seule culotte ;-)  Les conseils du Prof. Mayer, directeur de Religioscope, auront donc été suivis, à l'exception notable de l'hébergement près de Trishur (impossible de nous rendre à l'Olappamanna Mana, une accueillante demeure féodale, en raison de la cure suivie par son propriétaire) et de la visite de la Kerala Kalamandala, une université qui préserve l'art et la culture kéralaises. En guise de consolation, nous n'aurons pas manqué de suivre un émouvant spectacle de Kathakali au Kerala Kathakali Centre de Fort Cochin, un établissement qui n'a rien à envier aux meilleurs interprètes de cet art ancestral, mêlant chant, musique, danse et mime (voyez les vidéos de ma Galerie Web).

Les nombreuses heures passées à apprendre l'hindi ne nous sont d'aucune utilité puisque namasté (bonjour) se dit namaskaram au Kerala et encore vanakkam au Tamil Nadu ! Aux Aryens du Nord écrivant le sanscrit s'opposent les dravidiens du Sud qui eux s'expriment en tamoul.

Si la vie n'est pas que jouissance, l'Inde nous invite cependant à une aventure culinaire des plus exquises. C'est tout naturellement que nous sommes devenus végétariens en goûtant les nombreux et variés thalis, spécialités du chef, servis parfois sur des feuilles de bananier. Manu n'est pas la dernière à se délecter des mets avec sa main droite (bien qu'elle soit gauchère). Au besoin, son Carmol vient à bout des intempestives velléités intestinales.

Comment résumer notre relation ? Disons que j'ai été le lit canalisant le tumulte d'un torrent... Je termine là le récit de nos pérégrinations, confiant mes émotions au silence, celui propre aux délices d'un dernier massage ayurvédique.

Nombre de photos (et quelques vidéos iPhone) sont disponibles dans ma Galerie Web. Toutes les vidéos iPhone sont visibles sur la playlist de DailyMotion.

Thiruvananthapuram (Trivandrum), le 8 septembre 2009

Regardez bien les caractères du journal...

Publié dans Voyages

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