Nouvelles du Proche-Orient (Liban et Syrie)

Publié le par Marco del Rugo

Ami(e)s de mes péripéties, Bonjour !

 

Je chemine avec Bertrandron de La Broquère en des contrées qui ont vu nombre épisodes bibliques s'y dérouler... Ainsi de Saint Siméon, méditant sur une colonne en Syrie, Saint Basile, cénobite devenu un des Père de l'Eglise, le vol d'Abraham à Urfa, en Turquie, sans oublier la conversion de Saul sur le chemin de Damas (devenu Saint Paul, pilier du christianisme).

 

Après l'Anatolie, place au Liban, berceau des Phéniciens et contrée de l'écrivain Khalil Gibran, est un fort agréable pays à la francophonie appuyée : j'y rencontre beaucoup de locuteurs amis de Voltaire et la rue est constellée de termes français. Mais l'hébergement est hélas bien loin d'un budget de routard. Le temps est magnifique et j'y profite du littoral méditerranéen. Ainsi Byblos aura vu s'écouler ma première journée véritablement balnéaire, me complaisant dans une paresse raffinée. Les ruines témoignent encore du génie romain. Byblos fut une cité des Lettres chère à Olivier Germain-Thomas. Par son port d'abord, où transitait le papyrus égyptien servant aux copistes hellènes de la Bible. Par son alphabet ensuite, l'un des premiers au monde, si ce n'est le premier, duquel découle notre propre alphabet.

 

L'ancien Premier ministre Hariri s'est donné 30 ans pour reconstruire Beyrouth, la capitale ravagée par 30 ans de guerres. Projet trop ambitieux ? Il ne le saura jamais car il a été assassiné ! À Beyrouth, l'opulence y côtoie la servitude, ignorant la misère : il m'a été donné de voir les derniers modèles des voitures les plus luxueuses qui narguent les esclaves asiatiques (principalement Philippines, allez savoir pourquoi) et Africaines s'occupant des enfants des riches Libanais, avec en toile de fond les misérables camps palestiniens ! La culture aura cependant embelli mon séjour beyrouthin, tant par la qualité du musée national que par les spectacles. À défaut d'avoir pu assister au Festival de Baalbeck ou à celui de Beittedine, j'aurai profité d'un spectacle de mime et d'un autre de danse. Jamais encore je n'avais pu admirer une danseuse aussi heureuse sur scène. Dans le spectacle The Dress, chorégraphié par Nada Kano, Sarah Bou Sader nétait pas heureuse, c'était la félicité-même; le rouge de la scène en venait souligner l'érotisme. Plus qu'une simple performance, j'aurai fort apprécié cette véritable installation conçue par la Beirut Dance Company. Il est dit que le Liban est le pays des cèdres. C'est sans nul doute vrai mais la conscience écologique des Libanais ne vient pas conforter l'image idyllique de ce pays souvent comparé à la Suisse - par ailleurs, les Libanais ont un peu l'image stigmatisante des Juifs. Les champs et les rivières (richesse du pays) sont ainsi constellés de détritus. C'est bien dommage car leurs vallées sont magnifiques, à l'image de celle de la Bekaa (où la culture du chanvre s'épanouit). Et les villages en hauteur ont le charme de tous les villages montagnards.

 

Point d'orgue de mon séjour libanais, Baalbeck. Petite cité à taille humaine, sise dans la vallée de la Bekaa, où les contacts redeviennent simples. N'ayant pas la tête de l'emploi (jeu de mots), un jeune d'Anjar m'aura tout de même proposé de la marijuana ! Il faut dire que la récolte est abondante dans la région. Mais Baalbeck, l'ancienne Heliopolis, est surtout connue pour ses majestueuses ruines romaines. Et c'est vrai que cet ancien site religieux est impressionnant, de jour comme de nuit. Je me suis même laissé dire que des activités de prostitution sacrée s'y déroulaient jadis ! Retenons du Liban qu'exception faite des quatre dernières décennies, c'est une région qui a toujours su faire cohabiter ses très nombreuses confessions, recueillant les divers schismes religieux.

 

J'ai ensuite retrouvé la Syrie du président el-Assad (son portrait est affiché partout, mais vraiment partout), contrée que j'avais quittée à Alep, en même temps que mes amis voyageurs Sabrina & François. Hama est une paisible cité provinciale connue pour ses fameuses norias, d'immenses roues en bois posées sur le fleuve Oronte qui charriaient quantité d'eau afin d'irriguer les champs environnants. Mais le progrès est passé par là et des moto-pompes ont définitivement fait taire ce dispositif millénaire. La provincialité enrichit toutefois les contacts que peut rechercher le touriste, raison pour laquelle Hama me laissera un agréable souvenir. De même que le Crac des Chevaliers, non loin de là, une forteresse miraculeusement préservée qu'utilisait l'Ordre des Hospitaliers du temps des sinistres Croisades. Et se réveiller au lever du soleil au pied de cette imposante masse nous replonge dans les rêves médiévaux de conquêtes orientales. Occasion pour moi d'utiliser les "hop hop", minibus collectifs qui se rendent dans les moindres recoins de Syrie.

 

La mythique Palmyre, oasis que l'on rejoint après deux heures de route à travers le désert, est un incontournable du tourisme syrien. Magnifiée par une Reine à la poigne de fer (Zénobie, qui n'avait rien à envier à la beauté de Cléopâtre, est soupçonnée d'avoir occis son mari), il en reste un site archéologique splendide. Ici a été retrouvée une dalle précisant les taxes prélevées jadis sur toutes marchandises transitant par la cité, qui en devint très riche. Les Syriens en contact avec le flot des touristes l'ont remis au goût du jour, sans se gêner d'arnaquer le routard impécunieux !

 

Et enfin Damas, actuelle capitale et l'une des plus vieilles cités du monde. Sa mosquée des Omeyyades, grandiose, espace de vie loin de l'intégrisme religieux, au coeur de la vieille ville où il faut s'y perdre. Ses légendaires souks, espace public de socialisation. Et comme souvent en pays arabe, la richesses des demeures est cachée par leurs hauts murs aveugles, notamment de splendides patios. Heureusement que les maisons restaurées converties en restaurants nous permettent d'imaginer leur splendeur. C'est pourquoi je me suis obligé à des visites de palais fastueux tel, entre autres, que celui d'Azem, un pacha au goût sûr. Alors que je déambulais dans un des cimetières musulmans de Damas, voilà qu'apparut un cercueil transporté par une horde d'hommes. Mais le plus étrange, c'est qu'il n'y avait que des hommes dans ce rite funéraire. Aucune femme !!! Quant à la nuit damascène, elle offre un spectacle magique depuis le restaurant en hauteur du Cham Palace (je ne me refuse rien) : une constellation étincelante due aux habitations accolées au mont Qassioun, atteignant bientôt son acmé.

 

La visite de riches musées et la promenade dans de somptueux et émouvants sites archéologiques font naître en moi une terrible question : qu'est-ce que les générations futures retiendront de notre époque ? C'est sous un ciel agréable (aucune pluie et des températures oscillant entre 22 et 30 degrés mais les nuits peuvent être fraîches) que mon esprit cogite afin de trouver réponse à cette interrogation. En parlant de météo, la sécheresse explique aussi le pourquoi des peaux prématurément abîmées avec lesquelles doit composer la gent féminine (hélas, trois fois hélas, la femme syrienne restera pour moi un mystère).

 

Pour terminer, laissez-moi vous conter une journée ici en Syrie afin de vous faire comprendre combien riche peut être le voyage. Mhamed, un chauffeur de taxi, ingénieur en mécanique de son état, chantait en m'emmenant matinalement au "garaj" (la gare routière). J'ai ensuite fait le voyage en "hop hop" (les minibus syriens) avec entre autres un couple français la cinquantaine qui gère une maison d'hôte près d'Albi (ils désirent vendre leur bien afin de voyager un minimum de 2 ans et s'installer quelque part de par le monde), couple que j'ai retrouvé au village et avec qui j'ai mangé à midi. À peine arrivé, l'accueil des nonnes voilées du Monastère de Sainte Thècle fut cordial; j'y ai logé une nuit dans une chambre nickel (et bon marché). Le village de Ma'Aloula est niché à 1650 mètres d'altitude dans une superbe falaise surplombant une vallée fertile qui se laisse découvrir à pied, au calme. Sur les hauteurs, se niche un autre monastère, qui chapeaute une des plus anciennes églises chrétiennes, celle de Saint Serge, où il m'a été donné d'entendre le Notre Père en langue araméenne, la langue du Christ. Ma'Aloula est en effet un des trois derniers villages où cet idiome est encore parlé ! En sortant de l'église, je croise un camping-car... français, déjà entrevu à Palmyre ! Et en buvant un thé, me voilà à table avec deux pèlerins chrétiens faisant le voyage jusqu'à Jérusalem, à pied ! Enfin, le soir en rentrant au monastère, voilà la Mère supérieure animer une cérémonie où elle chantait à m'en remuer le cœur.

 

La Syrie, berceau du christianisme oriental, que je quitte demain, aura incontestablement été une fort agréable surprise dans la partie arabe de mon périple. Autre surprise aura été d'apprendre que Damas produit un excellent chocolat. Mais c'est aussi un pays touché par des sujets modernes qu'èvoquent des feuilletons TV. N'hésitez donc pas à la mettre dans votre propre agenda des vacances, malgré l'autoritarisme du régime baasiste qui limite la liberté d'expression et commet encore de nombreuses exactions. Ma seule dolèance : ne pas parler arabe afin d'enrichir les nombreux contacts que recherchent les Syriens au quotidien. Un pays que je quitte avec regret, expiration du visa oblige. En route pour la Jordanie :-)

 

Dimashq\Damas, le 29 novembre 2010.

 

 

Pas de photo dans cet article mais vous pouvez visionner les dernıers clıchés, soit le Liban et la Syrie, en cliquant ici.

Publié dans Voyages

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