Le masseur aveugle

Publié le par Marco del Rugo

Le masseur aveugle
Catalin Dorian Florescu

Mon classement : * - Commentaire :


Un récent séjour en Roumanie m'aura intéressé à sa littérature, avec notamment La symphonie du Loup de Marius Daniel Popescu, ou encore le grand écrivain Panais Istrati, qu'il me faut encore commenter sur le présent blog. La présentation de l'ouvrage lue à la Fnac conjuguée à ce récent attrait pour la littérature roumaine explique l'acquisition du 3e roman de Catalin Dorian Florescu, Le masseur aveugle. Notons que cet auteur roumain devenu Suisse écrit en langue allemande (nous devons la présente traduction des Editions Liana Levi à Mme Nicole Casanova qui a confondu Neuenburg ne sachant qu'il s'agit en fait de Neuchâtel, p. 136).

Pour qui a séjourné dans un village roumain, par exemple dans le Maramurès, la lecture de cet ouvrage le replongera inévitablement dans d'agréables souvenirs champêtres, ceux des paysans roumains d'aujourd'hui, cohabitant à la campagne avec des gitans et aussi des strigoi, les morts-vivants. Les déplacements se font encore avec des charrettes tirées par des chevaux bien mal en point. La femme qui toute la journée regardait dehors avec persistance, à la fenêtre de la cuisine, représentait ce qui restait encore à faire ici, c'est-à-dire presque rien. Nul doute que l'auteur aura puisé dans ses propres souvenirs pour conter l'histoire de Teodor, mais il rappelle qu'on trouve ça souvent dans les livres, mais pas dans la réalité. Ne confondez pas les livres et la réalité.

Parlant des homes helvétiques, les EMS, Florescu les résume à des maisons de retraite où l'on administre le déclin. Comme il affirme par la bouche du masseur aveugle Ion qu'être aveugle, c'est quand on entend mieux, espérons que ma malentendance me conduise à voir mieux ;-)

Ce récit, qui aura marqué Mme Lidia Trusca (lire son commentaire), est bien résumé par Geneviève Welcomme dans le journal La Croix. Il s'agit d'ailleurs d'un des ouvrages faisant partie du Choix des Libraires. Le quotidien Le Temps l'a rencontré.


 
4e de couverture :
Une entêtante odeur d'ail. C'est cela que Teodor retrouve en franchissant la frontière de la Roumanie. Le pays qu'il a quitté adolescent, dans les années 80, et dont il n'a jamais pu se détacher malgré sa brillante réussite en Suisse. Durant sa jeunesse, il sillonnait la campagne pour enregistrer les paysans et leurs histoires étranges remplies de démons, de diables et de vampires. Mais rien ne reste de sa collection de bandes magnétiques, qu'il a abandonnée au moment de sa fuite. Comme il a dû abandonner Valeria, sa petite amie. Sur le chemin de son passé, il trouve un monde toujours dominé par la superstition et le mensonge, où chacun essaie de se faufiler dans l'ouverture de l'Europe comme le diable se glisse sur terre par la dernière fente de lumière avant la nuit. À l'exception des habitants d'une petite ville thermale perdue dans les collines, qui semblent vivre à l'écart de cette frénésie de réussite. Leur occupation ? Lire à voix haute les trente mille livres collectés par un masseur aveugle...

Biographie de l'auteur. Catalin Dorian Florescu, né à Timisoara en 1967, passe son enfance et sa jeunesse en Roumanie. En 1982 ses parents et lui s'enfuient et s'installent en Suisse. Il y étudie la psychologie et exerce la profession de psychothérapeute durant plusieurs années. Depuis la parution de son premier roman,
Wunderzeit, très remarqué, il se consacre à l'écriture et vit à Zurich. Le Masseur aveugle, son troisième roman, est le premier à paraître en France et a été traduit dans plusieurs pays d'Europe.


Extraits, tournures et expressions appréciés :

[...] chaque jour on manquait sa vie en la vivant.

- Tais-toi, femme
[...]

[...] la pesanteur du monde

J'étais surpris, non que je me fusse attendu à autre chose, mais savoir et voir sont deux opérations différentes.

Quand elle bougeait et que ses hanches faisaient ce que font les hanches des femmes, alors on savait qu'aucun pope et aucun Dieu ne pouvaient rivaliser avec elle. Car elle dispensait la consolation, et ce dès cette vie.

Il n'y avait pas ici de gradation, tout succédait à rien et rien ne succédait à tout.

Il toussa terriblement, comme si des plaques tectoniques s'étaient déplacées en lui
[...]

"Celui qui vit, il vit. Quand quelqu'un meurt, c'est seulement parce qu'il a assez vécu."

Il rit de bon coeur, car il aimait ses traits d'esprit et il était son meilleur public.

[...] il était mort et avait émigré au cimetière [...]

"Aïe, ma fille, il n'y a pas de quoi pleurer. Tout a un sens."

[...] C'était une jolie jeune femme, sa jeunesse faisait son charme, plus tard elle s'étendrait en largeure et deviendrait vulgaire. Vulgairement usée. Mais pour le moment, son ventre et ses cuisses se laissaient encore regarder.

Passaient des hommes qui grandissaient plus haut que leur taille quand ils possédaient la voiture adaptée à la jalousie des autres.

Sa voix enflait comme un ruisseau après la pluie
[...]

- Je voudrais penser comme Cioran, mais agir comme Camus, répondait Cosmin.
- Comment cela ? demandais-je encore.
- Parce que ce n'est pas possible autrement. Si l'on pense et agit comme Cioran, alors on meurt. Même Cioran n'agisssait pas comme Cioran pensait. Il ne s'est pas tué.

Seul l'éclair d'une pensée séparait sa main de la mienne.


J'y ai appris de nouveaux mots ou apprécié des mots oubliés (dico) :

Je suis allée au diable vauvert.
des plaies suppurantes
les haines étaient à vif
un petit homme malingre
le long des murs et des lambourdes
la cigogne était autrefois une ivrognesse
il béait transversalement devant moi
sa toux croassante et désespérée
Bonheur de poussin. Ou deveine.
on avait dormi ici sur des châlits
un mauvais bubon plus que mûr et purulent
rares éditions aux couvertures déjà épidermées
(parlant des livres)
Nous avons eu une passade
du papier d'émeri
il la regurgita
[...] une autre ration était ingurgitée



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Publié dans Lectures

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