Nouvelles de Chine I

Publié le par Marco Rugo

La Chine, il faut y être ne cessons-nous d'entendre. Et bien j'y suis !

Après mon illustre prédécesseur Marco Polo, arrivée sans histoire dans l'Empire du Milieu, à Shanghai plus précisément, vitrine de l'arrogante expansion chinoise. Etrange impression à dire vrai. Ici, tout est à une échelle grandiose. Les rues piétonnes sont jaunes de monde, la longueur des rues dans les villes se compte en dizaine(s) de kilomètres... difficile à imaginer pour un provincial comme moi (la Suisse se dit "Helaweizhaya" en mandarin). Ainsi, les villes que je découvre sont souvent inconnues en Europe et pourtant elles abritent des millions de Chinois (pour mémoire, ils sont plus d'un milliard trois cents millions) : Shanghai, 15 millions, Hangzhou, 1,5 millions, Suzhou 1 million, Nankin, 2 millions. Je m'arrête là !

L'esprit n'est pas le même que dans les pays du sud-est asiatique que je connais un brin. Ici, si vous êtes à un arrêt de bus et que vous ne savez pas lequel prendre, les habitants vous laisseront en plan, contrairement à la Thailande par exemple. En fait, il suffit de montrer des idéogrammes chinois afin que le contact s'établisse; cela donne ensuite lieu à un attroupement où tout le monde veut vous aider. Bien entendu, je n'y comprends rien, ne maitrisant point la langue chinoise. Et là réside la grande difficulté de ce voyage. Peu ou prou de personnes maitrisent l'anglais, sans parler du français. Acheter un billet de train ou commander de la nourriture dans un resto représentent une difficulté inimaginable. Heureusement que je sais parler avec mes mains. Mais le Patriarche dans le roman "Le singe pèlerin", un classique de la littérature chinoise écrit par Wou Tch'eng-en, ne dit-il pas "Rien au monde n'est difficile, c'est notre esprit qui nous fait paraitre les choses ainsi" ?

Première partie du voyage placée sous le signe de l'eau, avec le bassin du Yangzi. Shanghai d'abord, qui deviendra le premier port maritime du monde, et son passé colonial. Agréable de cheminer dans ses nombreux parcs tranquilles avec de vieux Chinois faisant leur gymnastique matinale ou dansant le tango. Sa rue Nankin voit pousser d'étranges "Fleurs de Shanghai" au passage des occidentaux, le nom que l'on donnait aux anciennes courtisanes; étonnant en pays qui se dit communiste ! D'autant si l'on y rajoute la pléthore de centres commerciaux qui répondent à la frénésie consumériste ambiante. Ici, deviennent riches les constructeurs de grues et les loueurs d'échaffaudages. A noter un superbe musée ou se niche le raffinement chinois d'antan, que l'on retrouve bien peu au quotidien (voir manger un Chinois nous enlève notre propre envie de manger). Hangzhou ensuite, et son paisible Lac de l'Ouest entouré de vertes collines (http://www.hang-zhou.com). Suzhou enfin. Ville d'eau surnommée la "Venise orientale", cité entre autres avec laquelle elle est jumelée, elle égrène ses nombreux canaux. Canaux qui fournissent l'eau à de nombreux jardins, classés au Patrimoine mondial par l'Unesco. Les jardins chinois sont cependant fort différents des nôtres : y dominent les pierres qui reproduisent en miniature les paysages réels (faites-vous donc une idée en cliquant ici : http://www.szgarden.sz.js.cn/english). J'aime apprivoiser les villes : y marcher des heures durant, aux détours des petites ruelles ou des grands boulevards, prendre les bus locaux vers des destinations inconnues, retrouver la vendeuse de nouilles au bas de l'hôtel et échanger des sourires... Ainsi en est-il de Suzhou, cette ville pour laquelle je me suis pris d'affection puisque j'y aurai finalement passé 6 nuits. Comme l'a si joliment écrit Simon Leys : "Suzhou est une ville exquise dans un site quelconque, Hangzhou une ville quelconque dans un site exquis."

De Suzhou, découverte en car d'autres villes d'eau toutes proches et ayant beaucoup de charme avec leur nombreux canaux telle que Zhouzhuang (http://www.zhouzhuang.com/en/index.htm), Tongli (mon coup de coeur) et son Musée du sexe dans la Chine ancienne (où l'on se rend compte que le sexe a toujours guidé le monde depuis les temps les plus primitifs) et enfin Luzhi, encore moins connue (http://www.luzhi.cn/ en v.o. afin de nous faire une idée des difficultés que représente l'écriture chinoise au quotidien). Cette dernière m'a été conseillée par Albert Chieng, un jovial Chinois qui tient un resto malais, pays qui l'a vu naître. D'ailleurs, en buvant un verre dans un bar, il m'a présenté à une charmante Chinoise, Jade Zhou. Cette dernière, toute timide, me tend sa carte de visite. En la lisant, j'apprends qu'elle est directrice d'une entreprise de construction !!! Et Albert de me préciser : "It's a rich person". D'ailleurs, son chauffeur l'attendait a la sortie. C'est fou la Chine je vous dis, fou. Cette folie peut se voir en sortant de la ville, où de véritables autoroutes amènent les employé(e)s des très nombreuses entreprises aux pieds de nouveaux immeubles coquets. Pensez donc, plus de 7'000 entreprises se sont installées dans la région; Logitech ne s'y est pas trompée (pas de syndicats, pas d'assurances sociales, une seule semaine de congé payé, et encore après 5 ans d'ancienneté). N'oublions pas que la Chine est un des plus vieux berceaux de la civilisation; civilisation à la base de quatre grandes inventions que sont le papier (les billets de banque, ce sont eux), l'imprimerie, la poudre à canon et la boussole. En 1979, Deng Xiaoping avait lancé son fameux "Enrichissez-vous !" Certains l'ont entendu puisque la Chine compte plus de 300'000 millionnaires en dollars. Mais la situation est explosive : 3 % de la population possède 80 % des richesses...

Les lieux visités sont tous emprunts d'une grande poésie, à l'image du "pavillon de la Lune d'automne sur le lac apaisé", de la "pagode des Six Harmonies" ou encore du "jardin de l'Humble Administrateur". Ainsi, "l'endroit ou s'opèrent les transmigrations métaboliques" n'est autre que les WC, peu reluisants le plus souvent. Mais la réalité actuelle est autre : avec plus de 10'000 exécutions par an, difficile de rencontrer un quelconque opposant au régime... Sans parler de la pollution qui ne cesse d'augmenter afin de répondre aux besoins grandissants des Chinois qui n'aspirent qu'à rejoindre notre niveau de consommation. Aspiration hélas légitime.

J'oubliais : le temps est plus que clément ;-) En général, il fait 25 degrés en journée et un peu plus frais la nuit (http://fr.weather.yahoo.com/CHXX/CHXX0099/index_c.html); pour l'instant, j'ai eu de la chance, un seul jour de pluie. Laissons Pablo Neruda conclure : "Il meurt lentement celui qui ne voyage pas [...]". Après près de 2 heures d'attente dans une file à la gare, je m'apprête à rejoindre Nankin...

Bien à vous.  Marco on the road again, émerveillé ici à Suzhou, le 27 avril 2005

Publié dans Voyages

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