Nouvelles de Chine II

Publié le par Marco Rugo

Ni hao ! Bonjour à tous !

Certain(e)s d'entre vous sont déja au courant : mon voyage aurait pu déja se terminer avec un rapatriement d'urgence, ce qui heureusement n'a finalement pas été le cas, seul mon bras droit est dans le plâtre. Sur un mont sacré, tout est allé de guingois. Mais lisez plutôt...

De Suzhou, j'ai donc rejoint Nankin. Où mieux que dans cette ville meurtrie aurais-je pu lire le roman de l'écrivain(e) Shan Sa "La joueuse de go" narrant la rencontre entre une jeune joueuse de go mandchoue et un officier japonais ? Les Chinois affirment aujourd'hui que les Japonais ont massacré 300'000 Chinois durant l'occupation; ils en ont fait un bien émouvant Mémorial. A noter que les journaux chinois de l'époque parlaient de 30'000 victimes. Peu importe le nombre devant l'horreur. Mais c'est oublier un peu vite les 30 millions de victimes du Grand Bond en avant de '58 et la Révolution culturelle qui a suivi, avec un tout aussi grand nombre de morts, événements voulus tous deux par Mao, sans parler de la Campagne des Cents Fleurs... En attendant, les Chinois manifestent une hainne anti-japonaise, manifestations auxquelles j'ai été convié bien involontairement à mon arrivée à Shanghai, à la recherche de mon auberge !

Cette seconde partie du voyage se sera déroulée sous le signe des Montagnes. A Tunxi, ville de 1,5 millions d'habitants, j'ai retrouvé une ambiance villageoise (enfin "village" de plus d'un million d'habitants, à la mesure de l'immense Chine). Ainsi, qu'elle ne fut pas ma surprise que "Kate", une charmante et jeune Chinoise, m'accompagne jusqu'à mon bus... en me refilant son no de portable une fois arrivés. Je ne me savais pas si tombeur ;-) Tout près, se nichent de charmants villages dont quelques-uns ont été restaurés (à la Chinoise, seul le résultat touristique comptant). Autant dire que tous les autres ont été rasés ! Avec toujours ces canaux qui quadrillent les villages. Comme le dit un vieux proverbe : "Mieux vaut, comme la richesse, accumuler l'eau que de la laisser divaguer" ! Faites-vous donc une idée de cette région du Wannan en cliquant ici : http://www.acse.asso.fr/chawu/. Ensuite, les Montagnes Jaunes se sont offertes à moi. Une mer de nuages (le côté féminin, le yang) embrassant un massif de pics impressionnants (le côté masculin, le yin). Laissons l'excentrique géographe Xu Xiake (1586-1641) en parler : "Qui a vu les Cinq Montagnes sacrées n'a nulle envie de connaitre d'autres cimes; mais qui a vu les Huangshan n'éprouve plus aucun plaisir à regarder les Montagnes Sacrées". Une fantasmagorie peinte et décrite par les plus grands artistes chinois (quelques photos à cette adresse : http://www.huangshanguide.com/photo.htm). Xu Xiake ne pouvait bien entendu pas préciser que les prix du coin sont explosifs, bien loin d'un budget du routard que je suis, premiere région touristique de Chine oblige (qui plus est, j'y étais en plein congés nationaux, début mai).

Le tango de Nankin. J'ouvre une brève parenthèse pour préciser que le haut pouvoir d'achat helvétique permet d'exploiter sans vergogne les pays à plus faible revenu. Ainsi, je me fais masser pratiquement tous les deux jours, mes souliers sont régulierement cirés, la coupe de cheveux avec massage de la tête durant 30 bonnes minutes ne revient qu'à Fr. 2,40, j'utilise souvent les taxis, mon linge est nettoyé et je mange comme un pape ! Pour ce qui est du massage des pieds, jamais encore je n'avais été massé dans le luxe de ce salon de Suzhou. Autre surprise : une fois rentré dans un établissement de bains, j'ai eu quelque souci lorsque j'ai constaté que j'étais bien seul, nu sous le regard des employés, tous des hommes. Un de ceux-ci m'a proposé un massage. Et là, j'ai eu droit à une sorte de pelling énergique de tout mon corps. Ce dernier n'ayant jamais été frotté de la sorte, j'imagine bien la saleté qu' il a dû retirer. Et cela s'est terminé par de petits claquements dus au massage qui, avec l'écho de la piscine, faisaient penser à un véritable tango ! Ce n'est qu'à la sortie que j'ai été rassuré : les bains se remplissaient d'hommes aisés. Pas un oscur coin louche donc... (ceux qui auront vu le film de Yang Zhang "Shower (Xizhao)" comprendront). Dernier massif montagneux au programme, le Jiuhuashan, un des quatre monts sacrés des bouddhistes chinois (les taoistes en comptent donc cinq). Moins spectaculaire, on y ressent une certaine ferveur bouddhiste. Mais allez expliquer aux singes présents que je ne leur voulais aucun mal ! C'est autant difficile que d'expliquer à des médecins chinois le mal dont je souffre après l'altercation avec dits singes !!! Vous l'aurez deviné : en raison d'une sauvage attaque d'un vieux singe à qui ma tête ne devait pas revenir, je suis tombé sur mon poignet. Et rebelote, voici à nouveau mon radius fissuré et donc mon bras droit dans le plâtre. Heureusement que ce blaireau ne m'a point mordu mais le bougre a tout de même réussi à me piquer mon pied de caméra. Ma grande peur aura été de tomber tout en bas des escaliers très (mais vraiment très) raides. La REGA m'a formellement déconseillé de me faire opérer dans la région où je me trouvais. Mais comme la capitale provinciale de Nanchang était a plus de 10 heures de route, je me suis rendu à un petit hosto (du moins il en portait le nom) à 25 km de là, grâce à l'aide de toute la maisonnée qui m'hébergeait. Quatre docteurs se sont occupés de moi; un étranger dans leur hôpital, l'événement du mois ! Le tout a donc fini par un bras platré, ce qui me permet de continuer le périple avec quelques adaptations hélas... Ce que j'en retiens ? L'extraordinaire solidarité des Chinois (avec toujours cependant de l'argent a avancer). Et je suis maintenant l'objet des plus grand égards ;-) En bon taoïste, "j'accepte ce qui doit arriver quand cela doit arriver (ce qui) ne laisse de place ni pour l'affliction ni pour la joie".

Je ne pouvais tout de même pas rater les magnifiques pics karstiques de Guilin n'est-ce pas ? Ce décor féerique vaut largement les quelques désagréments d'un bras platré (http://yangshuo.feilipu.com/yangshuo_f.htm, vous pouvez agrandir les images en cliquant dessus). Fanstasmagorie mise en scène dans un superbe spectacle aquatique dirigé par le réalisateur Zhang Yimou (mais les moustiques étaient également invités...). J'ai même réussi à convaincre une ravissante Chinoise de m'accompagner en tandem afin que je puisse découvrir les villages environnants (impossible pour moi d'utiliser un vélo tout seul en l'état). Luis, un jeune Irlandais, était aussi de la partie. Envoûtante que cette campagne où l'on parle en silence avec les paysans du coin, les visages remplaçant les mots. Silence bien loin du brouhaha habituel dont les Chinois m'habituent. Etre à coté d'un Chinois qui répond à son téléphone portable équivaut à entendre un caporal engueuler ses recrues. J'ai d'ailleurs remarqué que tous les Chinois hurlent ce qui me laisse penser qu'ils sont tous sourds. Le journaliste Frédéric Koller donne cette explication dans ses "Portraits de Chine" : leurs tympans sont altérés lors de leur 1ère Fête du Printemps (qu'on appelle Nouvel An chinois avec ses fameux pétards et leur vacarme sans fin). Hélas, la ballade en vélo m'aura causé une vilaine insolation me clouant au lit ce vendredi 13... Serait-ce là un bon augure afin de m'éviter le voyage en sleeping-bus vers Canton que j'ai du reporté à samedi soir ?

Trois grands courants ont façonné ce peuple : le Confucianisme, le Taoisme et enfin le Bouddhisme. Pour conclure, je ne résiste pas à vous faire partager cet excellent aphorisme taoiste tiré du texte "Le rêve du papillon" de Tchouang-Tseu : Zhuangzi rêva qu'il était papillon, voletant, heureux de son sort, ne sachant pas qu'il était Zhuangzi. Il se réveilla soudain et s'apercut qu'il était Zhuangzi. Il ne savait plus s'il était Zhuangzi qui venait de rêver qu'il était papillon ou s'il était un papillon qui rêvait qu'il était Zhuangzi.

Trêve de jabotage et bien à vous.

Marco ici à Yangshuo le 14 mai 2005, en partance pour Canton et la côte

Publié dans Voyages

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